28.06.2018 - 03.11.2019
L'ombre de la vapeur
Adrien M & Claire B
Le Torula, ou Baudoinia compniacensis, est un champignon propre à la région de Cognac qui se nourrit des composés organiques volatils pour recouvrir, en les noircissant, les parois avoisinantes. Avant les travaux de rénovation de la tour de Gâtebourse, le bâtiment était ainsi tapissé de ce champignon.
Portée par une fiction animiste et réalisée grâce à un dispositif numérique, l’œuvre de Claire Bardainne et Adrien Mondot révèle ainsi L’ombre de la vapeur. Il s’agit à la fois d’une œuvre, d’un espace, d’une expérience et d’une rencontre avec une entité organique magique, immersive et expressive. Les visiteurs déambulent et interagissent parmi un ensemble de formes élaborées dans un fin voile de métal, nuages suspendus sur lesquels sont projetées des particules blanches en mouvements. Organisme sonore et contemplatif, cette œuvre est modulée par les visiteurs, au rythme de leurs déambulations, de leurs gestes et de leurs haltes sur un mobilier flottant. Dans l’obscurité, la surface métallique des nuages devient transparente pour ne laisser voir que les points, qui semblent flotter dans l’air et former un ciel étoilé hybride : entre le paysage, le végétal et l’animal.
Si la forme de chacune des particules n’est pas sans rappeler un agrandissement au microscope du champignon appelé Torula, il ne s’agit pas d’une reproduction réaliste mais d’une transposition graphique et poétique. Les cellules normalement imperceptibles à l’œil nu deviennent ainsi des entités qui semblent mues par une intention manifeste. Cette installation se propose alors comme une mémoire de l’éphémère, un éloge à ce qui se consume ou se perd, pour créer une concentration de vie et de valeur à l’instant où le visiteur expérimente l’oeuvre. L’ombre de la vapeur est aussi une ode à ce qui est mineur, accessoire ou périphérique, hommage à ce qui est vivant, sous toutes ses formes.
Le dispositif repose sur une trentaine de vidéo-projecteurs qui baignent ces nuages et une partie du sol dans un grand continuum d’images générées et animées en temps réel par des ordinateurs synchronisés, qui contrôlent les caméras infra-rouges permettant de réaliser les interactions avec le public. Une création sonore accompagne l’espace et l’expérience. Composé par Olivier Mellano, ce “cantique du champignon” s’inspire des principes de la protéodie, une théorie selon laquelle chaque acide aminé est associé à certaines ondes pouvant être transcrites dans une partition musicale, la mélodie de l’ADN de chaque être vivant.
La compagnie Adrien M & Claire B crée des formes allant du spectacle aux installations dans le champ des arts numériques et des arts vivants. Elle est co-dirigée par Claire Bardainne et Adrien Mondot. Leur démarche place l’humain au centre des enjeux technologiques, et le corps au cœur des images, avec comme spécificité le développement sur-mesure de ses outils informatiques. Ils poursuivent la recherche d’un numérique vivant : mobile, artisanal, éphémère et sensible. Adrien Mondot est informaticien et jongleur. Claire Bardainne est designer graphique et scénographe. En 2013, ils créent Hakanaï, pièce chorégraphique pour une danseuse dans une boîte d’images. En 2014, avec Mourad Merzouki, ils co-signent la création du spectacle Pixel.
Ils obtiennent le prix SACD de la création numérique en 2015, année au cours de laquelle ils créent également le spectacle Le mouvement de l’air. En 2016, paraît aux Éditions Subjectiles La neige n’a pas de sens, une première monographie avec une série de six œuvres en réalité augmentée. En 2017, un nouveau corpus d’installations, intitulé Mirages & Miracles voit le jour. La compagnie basée à Lyon, qui représente aujourd’hui 30 collaborateurs, développe depuis 2006 un outil logiciel baptisé eMotion, dont l’objectif est d’écrire les interactions entre image et corps dans l’optique du spectacle vivant.